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Côté Morvan

Albert, le dernier des "corcerans" raconte le battoir de La Chaume

14 Février 2013 , Rédigé par J-M Publié dans #Histoire locale

DSCN2443De loin, notamment de la route de Cussy-en-Morvan à Autun, le moulin de La Chaume ne paie pas de mine. Dans la vallée du Grand Vernet, c'est une grange modeste couverte de tuiles rouges qui semble abandonnée au bout d'un chemin.

Albert M. dit "Bébert" pour les gens du village, a été le dernier d'une famille cussyssoise à faire tourner le moulin à écorces de La Chaume jusque dans les années cinquante, au siècle dernier. C'est son arrière grand-père, Jean, qui a débuté cette aventure au début du XIXème siècle. Entrepreneur dans l'âme, il s'était lancé dans la production de tan (poudre d'écorces de chêne) et avait racheté, petit à petit, tous les battoirs du secteur. De fait, il avait quasiment le monopole de cette production à destination des deux tanneries d'Autun.

 

Au tout début, ce battoir, appelé aussi moulin à tan, n'était même pas couvert par une bâtisse. C'était un mécanisme en bois composé de trois solides piliers de chêne terminés par trois couteaux chacun. Ces pilons montaient et descendaient l'un après l'autre dans une maie grâce à un arbre à cames.

La roue de trois mètres de diamètres était entraînée par l'eau d'un canal de dérivation de la rivière, le Grand Vernet.                                                                                                                                                                                                                                 

                                                                                                         L'ancien canal de dérivation

bief du moulinCe dispositif transformait un mouvement rotatif en un mouvement de translation de haut en bas permettant de transformer l'écorce de chêne en tan. Les écorces provenaient des forêts des alentours, en particulier du village de Roussillon. L'écorçage s'effectuait au plus fort de la montée de la sève, de mai à juin. Une entaille en bas du tronc et une à hauteur d'homme facilitait le "déhabillage" de l'arbre qui était ensuite abattu pour faire du bois de chauffage. Les bandes d'écorces ainsi obtenues étaient mises à sécher puis rassemblées en fagots.

En deux heures, le battoir pulvérisait 500 kg d'écorces et, dans une journée ordinaire, il produisait une tonne de cette précieuse marchandise. En cas de besoin, trois personnes, Albert, son père et un ouvrier pouvaient se relayer pour faire tourner le moulin 24 heures sur 24. Mise en sacs de 50 kg, la poudre était chargée sur une charrette tirée par des vaches jusqu'à la gare du tacot à La Petite Verrière pour être achenimée à Autun.

 

 A chaque convoi ferroviaire, ce sont huit tonnes de tan qui partait pour les tanneries Chavet et Philibert. Là, dans de grands bassins, grâce à ce produit naturel, la poudre d'écorces de chêne, les peaux des vaches morvandelles se transformaient en cuir au bout de trois mois. 

 

Aujourd'hui, la production de cuir s'effectue loin de notre région et à l'aide de chrome. C'est la mondialisation ! Or parmi les préoccupations environnementales, les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports deviennent un enjeu majeur pour l'Europe. Ne pourrait-on pas imaginer réconcilier pratiques naturelles ancestrales et modernité économique ?

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